Billet spirituel février 2016

Pere_yves_brasseurPère Yves BRASSEUR notre pasteur du jour nous INTERPELLE dans son Homélie( messe AG)

Chaque année nous nous retrouvons pour la réunion des anciens, vers le milieu de novembre,
donc à la fin de l’année liturgique.
Nous avons toujours des textes qui nous parlent de la fin des temps :
« il y aura une grande détresse, le soleils’obscurcira …
Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec
grande puissance et grande gloire. »
Les images sont à la fois terribles, mais en même temps, pleines d’espérance :
le Fils de l’Homme reviendra.
Il nous apportera la paix, le bonheur : « Mais en ce temps-ci ton peuple sera délivré. »
Quel lien avons-nous avec ce Fils venu nous sauver ?
Quelle place donnons-nous à Dieu dans notre vie ? Les événements
qui viennent de se passer à Paris vendredi soir dernier nous mettent dans ce temps d’apocalypse.
Les horreurs d’un monde déboussolé. Et pourtant ce n’est pas encore la fin… Nous avons à vivre dans ce monde et ce n’est pas
nous qui le sauverons comme le dit la deuxième lecture, l’épître aux Hébreux
« Par son unique sacrifice le Christ a conduit à la perfection ceux qu’il
sanctifie ». Mais nous sommes maintenant les relais du Christ.
Nous sommes dans ce monde qui a perdu ses repères, et beaucoup de nos jeunes s’y sentent perdus eux-mêmes car ils n’ont plus de repères.
Vous les anciens vous avez encore du travail à faire : vous qui avez reçu le don de la foi, vous avez eu le témoignage d’hommes de foi,
en particulier dans ce lycée de la Grand’Grange ; vous êtes des témoins et vous ne pouvez garder pour vous ,ce que vous avez reçu.
Je suis persuadé que les jeunes vous écoutent si vous leur transmettez ce qui vous fait vivre et non pas une foi morte ;
l’Église évolue, s’adapte au monde dans lequel elle est, mais l’essentiel de son message n’a pas changé, celui de l’amour, du pardon, du partage.
Beaucoup d’entre vous ont payé de leur personne pour arriver à ce que vous êtes maintenant.
Nos jeunes ont tout et n’imaginent pas qu’il faudra mouiller la chemise pour trouver leur place dans notre société :
ils attendent trop que tout leur soit servi. Votre témoignage est fondamental.
Ce monde va mal, mais il n’est pas perdu : Dieu est un Père aimant qui veut le bonheur de ses enfants et qui pardonne lorsque leur chemin dévie,
à condition d’en prendre conscience et de demander ce pardon.
Que l’espérance habite nos coeurs : faisons confiance à Jésus qui a donné sa vie pour nous et qui nous reste présent ;
sachons nous ressourcer dans l’Église et y attirer ceux qui vont faire le monde demain.
L’Église a besoin de vous, mais vous aussi vous avez besoin de l’Église : donnez-lui sa place dans votre vie ;
soyez membre actif de cette Église en y apportant ce que vous pouvez donner : ce que vous êtes.

Père Yves BRASSEUR sj

Billet Spirituel Juin 2014

Tous des prophètes et des hommes debout…
Je viens de lire dans une interview du romancier Jean Cau, l’affirmation d’une
évidence : « Un homme est plus beau debout qu’à quatre pattes ».
Et je pense à la joie de tous ces jeunes papas et mamans quand, enfin, leur enfant
marche debout, peut-être parce que, inconsciemment, ils pensent que c’est bien un
homme qu’ils ont mis au monde. Les premiers pas d’un enfant, c’est une nouvelle
naissance… Est-ce que je me trompe ? Jeunes parents, ne l’attendez-vous pas ce
moment-là avec presque autant d’impatience que la première arrivée parmi les
hommes de votre petit homme ?
Malheureusement, les années passent, on dirait que le poids des ans alourdit les
épaules – au moins moralement – de ceux qui ont tant « bataillé » pour se mettre
debout une première fois. Et trop, beaucoup trop de soi-disant jeunes marchent à
quatre pattes : ils vivent comme écrasés par la vie, dont ils n’ont pourtant qu’une
toute petite expérience. Quelqu’un, à qui je citais la phrase de Jean Cau, m’a même
dit : « Même à quatre pattes, c’est trop haut pour eux, ils préfèrent être couchés ».
Et nous, les plus vieux, nous ne pouvons pas nous vanter non plus d’être exempts de
cette tentation, ni non plus de ne pas y succomber. Et il me vient à l’idée l’image
d’une foule innombrable d’hommes se suivant les uns les autres à quatre pattes, tel
un troupeau de moutons, tête basse, comme on en rencontre sur les routes de
montagne ou dans les hauts alpages. Et le berger, au milieu du troupeau de moutons,
fait figure de Dieu tout-puissant.
Pourquoi, de tous temps, les chrétiens n’ont-ils pas été ces hommes debout ?
Pourquoi tant de chrétiens essayent-ils de vivre comme s’ils ne l’étaient pas ? Pourquoi
des écoles chrétiennes – ou ceux qui les dirigent – ont-ils honte de leur caractère et
de ce qui les différencie de celles qui ne le sont pas ?
On nous dit sans cesse qu’il faut être « à l’avant-garde ». Je constate que, la plupart
du temps, ça veut dire « être à la remorque » et à la remorque d’une masse qui, toute
entière, marche vers l’abîme.
Pour ma part, je pense qu’il vaut mieux être au milieu, debout, et donner l’exemple…
et rester debout, bien fixé sur ses pieds – j’y suis, j’y reste – pour donner envie à ceux
qui passent de se relever, de ne plus obéir aveuglément, de ne plus marcher vers le
suicide collectif d’un troupeau en marche vers la mort.
Les prophètes de l’Ancien Testament, c’étaient
cela : des hommes debout. Et le plus grand de
tous est venu ; et comme s’il n’était encore pas
assez grand, il a voulu qu’on l’élève encore… PerePupieret sur
une croix.
On dit souvent que le monde d’aujourd’hui
manque de prophètes : c’est ce que je
demanderai pour vous tous dans ma prière en ces
jours de Noël, et, pour chacun de vous, ce sera
mon seul souhait :
« QUE VOUS SOYEZ TOUS DES PROPHÈTES, DES
HOMMES DEBOUT , PARTOUT OÙ VOUS VIVEZ. »
Père G. PUPIER, janvier 1970

Billet Spirituel mars 2014

Temps du Carême et temps de purification.

pere-pupier-nbEt bientôt la résurrection de Jésus-Christ, et par voie de conséquence la nôtre. Mais y croyons-nous encore ? Des sondages nous apprennent que la moitié de ceux qui se disent chrétiens ne croient plus à la résurrection des morts et fondent tout sur la vie terrestre… l’éternelle histoire du paradis terrestre.
Le bonheur : un grand mot et seulement un grand mot derrière un beau portail enguirlandé de belles fleurs… des fleurs du mal.
Des lendemains qui chantent… et qui sont suivis d’autres lendemains de pleurs et de grincements de dents.
Jérémie osait crier au peuple de son temps : « Heureux celui qui met son espoir dans le Seigneur ».
Et Jésus nous crie : « Heureux les pauvres, heureux ceux qui pleurent, heureux ceux qui sont haïs par les autres, heureux ceux qui ont faim… ». Il est certain qu’il est difficile à d’autres qu’à des pauvres de pouvoir entendre ce message ; pas étonnant que l’Évangile ait été d’abord entendu par les esclaves, les déshérités et les laissés pour compte. Encore que ceux-là faisaient partie de la

pauvreté du monde sans le vouloir, par force ou par obligation.
Ce fut d’ailleurs peut-être bien leur chance.
Pour nous la seule solution est de découvrir la pauvreté dans un monde de richesses, dans une société… qui est le portail dont j’ai parlé : des guirlandes, du flonflon, du bruit, de la musique… et rien derrière : le vide… pire encore, le néant.
Comment pourrions-nous être pauvres ?
Qu’est-ce que cela veut dire : être pauvre ?
Je ne pense pas, du moins, c’est mon avis personnel, qu’être pauvre, c’est de ne rien posséder, de refuser tout bien-être, de regarder toutes les beautés et toutes les générosités de la nature comme choses à éliminer.
Le livre de la Genèse nous dit : « Dieu créa l’homme et la femme ; il les mit dans le paradis terrestre en leur disant : Tout ça, JE VOUS LE DONNE, pour que vous en profitiez et que vous le fassiez fructifier. »
Le « JE VOUS LE DONNE » : voilà la pauvreté.
Dieu nous a tout donné, rien ne nous appartient et dès que nous faisons quelque chose « nôtre », nous avons perdu la pauvreté… et le message de Jésus-Christ ne peut plus nous atteindre et rien de ce que nous faisons n’a plus aucune valeur.
Quand nous donnons quelque chose, ce n’est pas pour que ce soit détruit, abîmé, démoli.
S’il en est ainsi, nous en souffrons, comme si une partie de nous même était détruite, abîmée, salie, meurtrie : le péché de l’homme vis-à-vis de l’homme.
Le péché du monde, le péché des hommes, notre péché à chacun de nous, c’est de vouloir utiliser ce qui est mis à notre disposition comme étant nôtre, alors que tout nous a été donné, tout appartenant à Celui qui nous a tout donné : le péché de l’homme vis-à-vis de Dieu.
Et finalement, être pauvre, c’est supprimer le péché de nos vies ; c’est-à-dire bien utiliser ce que Dieu nous a donné à améliorer, à perfectionner, à embellir, à faire

fructifier et c’est tout ce qui est en nous, autour de nous, devant nous, derrière nous, c’est tous ceux qui sont avec nous, devant nous et derrière nous.
Être pauvre, c’est découvrir que le grain de sable que nous sommes est capable d’infini et qu’il n’a pas le droit de distraire la moindre parcelle de sa puissance pour son propre compte et son propre plaisir.

Être pauvre, c’est être les mains vides devant Dieu et le reconnaître.

Père G. PUPIER, avril 1977

 

Billet Spirituel octobre 2013

Pere_pupier

Le changement… c’était il y a 44 ans.
On parle beaucoup actuellement de « monde en
recherche », de monde « en mutation » ; certaines
expressions pour désigner ce soi-disant nouveau
monde sont même si compliquées qu’il faudrait se
livrer à une véritable et longue, longue étude pour
deviner, si peu, ce que l’on a voulu dire.
Ce n’est pourtant pas seulement de nos jours que
l’on nous dit que « les jours se suivent et ne se
ressemblent pas », et il suffit d’avoir quelques
connaissances historiques (Oh ! si peu) pour se
rendre compte que depuis l’éternité des temps le
monde est en marche, à des vitesses plus ou moins
grandes, mais en marche tout de même.
Alors pourquoi affirmer si haut une vérité de
La Palisse ? Bien inutile. Il me semble, par contre,
nécessaire d’affirmer la nécessité de marcher sans
cesse, personnelle et avec les autres, et surtout la
nécessité d’être en état de disponibilité continuelle pour faire face à l’évènement,
fut-il le plus imprévu. En ce domaine, comme dans le domaine de la circulation, la
tentation est grande de faire des « excès de vitesse » et, sinon d’atteindre, du moins
de friser la catastrophe.
Il me souvient d’avoir lu jadis une phrase de Georges DUHAMEL : « Il faut savoir piquer
des « peut-être » aux ailes de tous ses projets ». C’est du simple bon sens, de ce bon
vieux sens paysan qui faisait dire à une alerte septuagénaire : « On me dit qu’il faut
tout changer ; depuis que je suis au monde, je l’ai souvent entendu, et j’en ai vu
changer des choses, et, chaque fois, on trouve que rien ne va ».
C’est aussi ce bon vieux sens paysan qui fait dire aux gens sensés, lorsqu’on leur
demande : « Que ferons-nous demain ? », la seule réponse qui convient : « ON
VERRA ».
L’essentiel, c’est justement de VOIR demain, non de le prévoir ; c’est d’être prêt pour
cet inconnu qu’est demain, de pouvoir lui faire face sous quelque forme qu’il se
présente, physiquement et moralement.
Si demain est une abondance de joie, qu’on soit capable de l’accueillir avec des
yeux d’enfant émerveillé ; s’il est un amoncellement de souffrances, qu’on soit
capable de les porter, sans les subir ni les refuser.
J’avoue mal comprendre ceux qui ont l’inquiétude du lendemain, comme si le Christ
ne nous avait jamais dit : « A chaque jour suffit sa peine » et « Ne vous préoccupez
pas du lendemain ». Aujourd’hui, c’est la préparation de demain, ce doit être la
présentation de demain ; et ce ne le sera que dans la mesure où on fait aujourd’hui
ce qui doit être fait aujourd’hui. Demain, on fera le travail de demain ; et chaque
homme a le devoir d’agir ainsi, et chaque génération, et chaque époque…
Voilà la vraie mutation, la vraie recherche, le vrai changement.
Je pense que le grand péché pour les hommes, pour chaque homme en particulier,
c’est de s’installer comme si demain était semblable à aujourd’hui, mais aussi de
vouloir créer demain avant d’avoir vécu aujourd’hui. On ne peut vivre sa joie
d’aujourd’hui si on pense aux souffrances de demain, et on ne pourra vivre sa
souffrance demain que si l’on a vécu intensément sa joie aujourd’hui.
Comprenne qui pourra, j’ai dit ma pensée ; je ne suis ni un intellectuel, ni un
philosophe, je suis fils de paysan et surtout fils de Dieu.
Père Gabriel Pupier, Octobre 1969