Temps du Carême et temps de purification.
Et bientôt la résurrection de Jésus-Christ, et par voie de conséquence la nôtre. Mais y croyons-nous encore ? Des sondages nous apprennent que la moitié de ceux qui se disent chrétiens ne croient plus à la résurrection des morts et fondent tout sur la vie terrestre… l’éternelle histoire du paradis terrestre.
Le bonheur : un grand mot et seulement un grand mot derrière un beau portail enguirlandé de belles fleurs… des fleurs du mal.
Des lendemains qui chantent… et qui sont suivis d’autres lendemains de pleurs et de grincements de dents.
Jérémie osait crier au peuple de son temps : « Heureux celui qui met son espoir dans le Seigneur ».
Et Jésus nous crie : « Heureux les pauvres, heureux ceux qui pleurent, heureux ceux qui sont haïs par les autres, heureux ceux qui ont faim… ». Il est certain qu’il est difficile à d’autres qu’à des pauvres de pouvoir entendre ce message ; pas étonnant que l’Évangile ait été d’abord entendu par les esclaves, les déshérités et les laissés pour compte. Encore que ceux-là faisaient partie de la
pauvreté du monde sans le vouloir, par force ou par obligation.
Ce fut d’ailleurs peut-être bien leur chance.
Pour nous la seule solution est de découvrir la pauvreté dans un monde de richesses, dans une société… qui est le portail dont j’ai parlé : des guirlandes, du flonflon, du bruit, de la musique… et rien derrière : le vide… pire encore, le néant.
Comment pourrions-nous être pauvres ?
Qu’est-ce que cela veut dire : être pauvre ?
Je ne pense pas, du moins, c’est mon avis personnel, qu’être pauvre, c’est de ne rien posséder, de refuser tout bien-être, de regarder toutes les beautés et toutes les générosités de la nature comme choses à éliminer.
Le livre de la Genèse nous dit : « Dieu créa l’homme et la femme ; il les mit dans le paradis terrestre en leur disant : Tout ça, JE VOUS LE DONNE, pour que vous en profitiez et que vous le fassiez fructifier. »
Le « JE VOUS LE DONNE » : voilà la pauvreté.
Dieu nous a tout donné, rien ne nous appartient et dès que nous faisons quelque chose « nôtre », nous avons perdu la pauvreté… et le message de Jésus-Christ ne peut plus nous atteindre et rien de ce que nous faisons n’a plus aucune valeur.
Quand nous donnons quelque chose, ce n’est pas pour que ce soit détruit, abîmé, démoli.
S’il en est ainsi, nous en souffrons, comme si une partie de nous même était détruite, abîmée, salie, meurtrie : le péché de l’homme vis-à-vis de l’homme.
Le péché du monde, le péché des hommes, notre péché à chacun de nous, c’est de vouloir utiliser ce qui est mis à notre disposition comme étant nôtre, alors que tout nous a été donné, tout appartenant à Celui qui nous a tout donné : le péché de l’homme vis-à-vis de Dieu.
Et finalement, être pauvre, c’est supprimer le péché de nos vies ; c’est-à-dire bien utiliser ce que Dieu nous a donné à améliorer, à perfectionner, à embellir, à faire
fructifier et c’est tout ce qui est en nous, autour de nous, devant nous, derrière nous, c’est tous ceux qui sont avec nous, devant nous et derrière nous.
Être pauvre, c’est découvrir que le grain de sable que nous sommes est capable d’infini et qu’il n’a pas le droit de distraire la moindre parcelle de sa puissance pour son propre compte et son propre plaisir.
Être pauvre, c’est être les mains vides devant Dieu et le reconnaître.
Père G. PUPIER, avril 1977