Billet Spirituel octobre 2013

Pere_pupier

Le changement… c’était il y a 44 ans.
On parle beaucoup actuellement de « monde en
recherche », de monde « en mutation » ; certaines
expressions pour désigner ce soi-disant nouveau
monde sont même si compliquées qu’il faudrait se
livrer à une véritable et longue, longue étude pour
deviner, si peu, ce que l’on a voulu dire.
Ce n’est pourtant pas seulement de nos jours que
l’on nous dit que « les jours se suivent et ne se
ressemblent pas », et il suffit d’avoir quelques
connaissances historiques (Oh ! si peu) pour se
rendre compte que depuis l’éternité des temps le
monde est en marche, à des vitesses plus ou moins
grandes, mais en marche tout de même.
Alors pourquoi affirmer si haut une vérité de
La Palisse ? Bien inutile. Il me semble, par contre,
nécessaire d’affirmer la nécessité de marcher sans
cesse, personnelle et avec les autres, et surtout la
nécessité d’être en état de disponibilité continuelle pour faire face à l’évènement,
fut-il le plus imprévu. En ce domaine, comme dans le domaine de la circulation, la
tentation est grande de faire des « excès de vitesse » et, sinon d’atteindre, du moins
de friser la catastrophe.
Il me souvient d’avoir lu jadis une phrase de Georges DUHAMEL : « Il faut savoir piquer
des « peut-être » aux ailes de tous ses projets ». C’est du simple bon sens, de ce bon
vieux sens paysan qui faisait dire à une alerte septuagénaire : « On me dit qu’il faut
tout changer ; depuis que je suis au monde, je l’ai souvent entendu, et j’en ai vu
changer des choses, et, chaque fois, on trouve que rien ne va ».
C’est aussi ce bon vieux sens paysan qui fait dire aux gens sensés, lorsqu’on leur
demande : « Que ferons-nous demain ? », la seule réponse qui convient : « ON
VERRA ».
L’essentiel, c’est justement de VOIR demain, non de le prévoir ; c’est d’être prêt pour
cet inconnu qu’est demain, de pouvoir lui faire face sous quelque forme qu’il se
présente, physiquement et moralement.
Si demain est une abondance de joie, qu’on soit capable de l’accueillir avec des
yeux d’enfant émerveillé ; s’il est un amoncellement de souffrances, qu’on soit
capable de les porter, sans les subir ni les refuser.
J’avoue mal comprendre ceux qui ont l’inquiétude du lendemain, comme si le Christ
ne nous avait jamais dit : « A chaque jour suffit sa peine » et « Ne vous préoccupez
pas du lendemain ». Aujourd’hui, c’est la préparation de demain, ce doit être la
présentation de demain ; et ce ne le sera que dans la mesure où on fait aujourd’hui
ce qui doit être fait aujourd’hui. Demain, on fera le travail de demain ; et chaque
homme a le devoir d’agir ainsi, et chaque génération, et chaque époque…
Voilà la vraie mutation, la vraie recherche, le vrai changement.
Je pense que le grand péché pour les hommes, pour chaque homme en particulier,
c’est de s’installer comme si demain était semblable à aujourd’hui, mais aussi de
vouloir créer demain avant d’avoir vécu aujourd’hui. On ne peut vivre sa joie
d’aujourd’hui si on pense aux souffrances de demain, et on ne pourra vivre sa
souffrance demain que si l’on a vécu intensément sa joie aujourd’hui.
Comprenne qui pourra, j’ai dit ma pensée ; je ne suis ni un intellectuel, ni un
philosophe, je suis fils de paysan et surtout fils de Dieu.
Père Gabriel Pupier, Octobre 1969